Discours d'Henri de Latour le 8 mai 2017
Les commémorations sont parfois l'occasion de confusions, d'amalgames, voire de détournements partisans. Il faut reconnaître qu'avec le 8 mai nous sommes particulièrement gâtés. Par exemple, le 8 mai est l'anniversaire des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, c'est aussi l'anniversaire du désastre de Dien Bien Phu.
Pour garder les idées nettes, je vous propose donc de dépasser le symbole de la date, et de nous souvenir que combattre l'oppression sous toutes ses formes est un devoir civique, qui s'impose à chacun d'entre nous.
La campagne présidentielle a vu la fin d’un certain équilibre, qui sous la forme du bipartisme promettait l’alternance, phénomène dans lequel beaucoup se contentaient de voir un pur et simple retour du balancier.
Le sentiment général que le pays se trouve dans une impasse a eu pour effet de changer radicalement la donne.
Pour la première fois, lassés de ce jeu à somme nulle, les électeurs se sont prononcés préférentiellement pour des candidats ayant peu, voire pas du tout, de représentants dans l’assemblée sortante.
Sans méconnaître ce que cette situation nouvelle peut comporter d’intéressant, je voudrais insister ici sur certains aspects préoccupants de cette campagne.
Il n’a échappé à personne qu’elle a pris un tour très polémique, et que la profération d’invectives a souvent pris le pas sur l’échange d’arguments.
Le débat du second tour a été l’occasion d’un festival de bassesses, d’insinuations infamantes, d’énormités mensongères.
Cela s’appelle la stratégie de la tension. Elle n’a d’autres visées que de dresser la moitié du pays contre l’autre.
Débattre, en démocratie, c’est aller au-delà de la simple affirmation de son point de vue, refuser les facilités de l’amalgame. Analyser, aller dans la complexité car la vie est complexe.
Aujourd’hui nous devons être vigilants. À la suite des événements violents contre des véhicules au début du mois dernier, nous avons su montrer en organisant une réunion publique, que la meilleure des répliques consistait dans une réflexion collective, dans un débat de fond où chacun avait droit à la parole. C’est pour moi un grand message d’espoir.
Dans notre commémoration, ici à Lasalle nous échappons à ces travers médiatiques. Nous sommes tout à l’opposé : modestes après ce tonitruant concert national.
Je voudrais conclure sur une autre considération, intimement liée à ce qui précède : de ces célébrations et commémorations, quelle part donnons-nous encore à la prise en compte de notre histoire ?
Faire abstraction du passé, c’est le plus sûr moyen de permettre le retour du pire. Je voudrai vous citer ici la parole de Stéphane Hessel, grand résistant : Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.
Nous devons être les agents de notre destinée, en d’autres termes nous devons nous comporter en citoyennes et citoyens ; car c’est en citoyennes, en citoyens, que sont tombés toutes celles, tous ceux qui sont morts pour la France, et pour cet idéal dont nous, leurs héritiers, leurs obligés, restons comptables
Vive la République ! Faisons-la vivre dans nos cœurs et dans nos actes. Le combat continue.